La gouvernance internationale de l’océan a besoin du leadership européen
2022 est la « super année » de l’océan. Le « One Ocean Summit », qui s’est tenu en février à Brest, en France, suivi de la conférence « Our Ocean », organisée aux Palaos, a donné le coup d’envoi d’une série de négociations internationales sur la pollution plastique, les subventions accordées au secteur de la pêche, l’objectif de développement durable « Vie aquatique » (ODD 14), et la protection de la biodiversité au niveau mondial et en haute mer. Cette grande diversité de sujets et le nombre de cadres juridiques concernés reflètent non seulement les nombreux défis environnementaux auxquels l‘océan mondial est actuellement confronté, mais également l’éventail d’organismes internationaux chargés de leur gestion.
Une gouvernance aussi fragmentée pose problème au regard du fait que certaines négociations sont en cours depuis plusieurs années. La récente pandémie de COVID-19 et les troubles géopolitiques actuels dus à l’invasion de l’Ukraine par la Russie sont venus ajouter des raisons, au cours des deux dernières années, de choisir de rester dans l’impasse plutôt que d’agir.
Dans ce contexte, on ne peut que se féliciter du fait que l’Union européenne (UE) envisage d’adopter une nouvelle stratégie européenne relative à la gouvernance internationale de l’océan. L’UE est en effet l’un des principaux acteurs internationaux qui s’est engagé de la manière la plus constante en faveur de la promotion d’une meilleure réglementation des activités humaines ayant des répercussions sur l’océan et de la protection de la biodiversité et des écosystèmes marins.
Cette position européenne n’est cependant pas totalement exempte d’ambiguïtés. L’UE est une puissance bleue : ses États membres détiennent ensemble la plus grande zone économique exclusive (ZEE) au monde et l’économie bleue européenne est l’une des plus dynamiques. Alors qu’elle se pose en garante de la protection de l’environnement, l’UE doit également tenir compte d’importants secteurs intérieurs (la pêche, les ports, le transport maritime) qui doivent faire face à une concurrence internationale croissante de la part de pays moins soucieux de l’environnement. L’accès aux ressources marines et le transport maritime en tant que principal vecteur du commerce international sont également des composantes de la position de l’UE sur la gouvernance mondiale de l’océan qui ne sont pas exemptes d’intérêts économiques (légitimes).
Mais un grand pouvoir s’accompagne de grandes responsabilités. Alors que le Pacte vert pour l’Europe vise à faire de l’UE un modèle de durabilité à l’échelle mondiale, le défi consiste maintenant pour l’UE à faire preuve de leadership pour forger une gouvernance internationale de l’océan qui renforce la protection et la gestion durable de l’océan.
L’objectif du présent document est de proposer une nouvelle approche de la politique internationale de l’UE en matière d’océan. Nous nous inspirons de la mission « Starfish » (« Restore our Ocean and Waters by 2030 ») et de notre précédente publication sur la gouvernance bleue de l’UE, en faisant valoir qu’elle devrait adopter un point de vue environnemental clair en matière de gouvernance de l’océan et préciser de quelle manière elle peut en faire concrètement la promotion. Nous examinons les défis environnementaux et de gouvernance qui menacent actuellement la santé de l’océan mondial, en particulier en haute mer. Nous démontrons que la multiplicité des organisations de gouvernance et des instruments juridiques a abouti à une gouvernance inefficace et inefficiente. En faisant le bilan des mesures prises par l’UE jusqu’à présent, nous constatons, bien qu’elle soit souvent l’un des principaux promoteurs de la modernisation des règles internationales en matière d’océan, qu’elle pèse encore trop peu.
Par conséquent, nous préconisons le fait que l’UE devrait concentrer son action autour de deux axes : mettre l’accent sur les principales lacunes de la gouvernance internationale et cibler les domaines dans lesquels elle a le plus d’influence. Ces domaines sont les suivants : la conservation des écosystèmes, la réglementation des activités humaines et améliorer les connaissances scientifiques pour permettre une meilleure définition des politiques.
L’UE devrait suivre pour cela quatre principes directeurs : i) définir comme objectifs prioritaires la protection de 30 % de la surface des océans d’ici à 2030 et la neutralité climatique d’ici à 2050 ; ii) établir des liens entre tous les instruments afin de mettre fin aux cloisonnements de la gouvernance de l’océan ; iii) moderniser les institutions afin de leur donner des moyens adaptés ; et iv) intégrer la société civile dans le processus de prise de décision.