L’Europe avec un possessif pluriel
Il y a 25 ans, j’avais donné au centre de réflexion et de propositions que nous étions en train de créer le nom : « Notre Europe ». Je voudrais insister sur ce possessif pluriel : Notre. Sommes-nous capables de « penser l’Europe » comme vraiment nôtre ? De considérer le droit européen comme notre droit et non pas un droit sorti d’un chapeau, qui nous serait imposé d’en haut ? Savons-nous comprendre le droit européen et sa jurisprudence comme un droit qui nous lie, qui nous oblige ou le considérons-nous comme un droit dont chacun pourrait s’affranchir à sa guise ?
Si l’Europe est bien nôtre, elle ne peut pas être seulement celle voulue par la France ou celle qui convient à l’Allemagne ou à tout autre pays exclusivement. Elle ne doit pas davantage devenir celle de la Pologne ou de la Hongrie. L’Europe n’appartient pas non plus au seul Parlement européen, ni ne peut être confisquée par le Conseil européen. La Commission n’en est pas davantage propriétaire. Mais elle est bien plus qu’une gardienne des traités. Par ses initiatives, c’est d’abord à elle que revient l’immense tâche de penser notre Europe, avec un temps d’avance.
Affirmer notre Europe - en soulignant le « notre » - signifie à la fois que l’Union nous appartient à tout un chacun mais aussi qu’elle est plurielle par essence. Qu’elle est à la fois un bien commun à préserver et une œuvre collective à poursuivre. Je me félicite que la présidence française du Conseil de l’Union ait choisi de mettre en avant la notion d’appartenance à l’Europe. C’est une appartenance à double-sens : l’Europe nous appartient autant que nous appartenons à l’Europe.
Appartenir à l’Europe ne signifie pas non plus se détacher de son pays. Au contraire c’est lui être fidèle. Comme Albert Camus, « j’aime trop mon pays pour être nationaliste ». Le projet européen n’a jamais été l’ennemi des nations, qui ne peuvent s’épanouir isolément. Quel meilleur gage de rayonnement pour chacune d’elles que son engagement européen.