GRAPE 5 – La stratégie « de la ferme à la table » fragilisée par le conflit politique

Au travers de ce papier, nous tentons de déterminer de quelle manière les questions de sécurité alimentaire soulevées dans le contexte de la guerre en Ukraine ont influencé les positions et les discours politiques. La tendance à la promotion de la productivité au nom de la sécurité alimentaire, qui se fait au détriment de la durabilité, s’est imposée et constitue un bond en arrière sur la voie du verdissement du système agroalimentaire de l’Union européenne (UE). Afin d’illustrer nos propos, nous proposons une analyse des débats sur la nouvelle politique agricole commune (PAC), la crise des engrais, le règlement sur les pesticides, ainsi que la décarbonation du secteur agroalimentaire et le nouveau cadre réglementaire relatif à l’utilisation des nouvelles techniques génomiques (NTG). Le concept de sécurité alimentaire apparaît sous différentes formes dans les débats : il va, d’une part, des préoccupations relatives à la sécurité alimentaire mondiale à une vision de l’autosuffisance/autonomie alimentaire de l’UE; d’autre part, il peut concerner la mise en relation des préoccupations en matière d’approvisionnement à court terme avec les objectifs de durabilité environnementale à long terme. L’analyse des différentes utilisations de l’argument de la sécurité alimentaire dans le contexte de la guerre permet de lever le voile sur les besoins et les intérêts sous-jacents des différents acteurs qui mettent en évidence les problèmes observés dans les systèmes alimentaires actuels, ainsi que les incohérences stratégiques auxquelles il convient de remédier.

L’évolution de l’orientation institutionnelle et politique de l’UE vers une position moins ambitieuse sur le plan environnemental et l’actuelle absence d’une approche unifiée concernant l’avenir de l’agriculture et de la production alimentaire mettent en péril l’ensemble du programme européen en matière de climat et d’environnement. Le secteur agroalimentaire a absolument besoin d’une vision politique claire, définie dans une loi d’orientation commune pour l’ensemble de la chaîne de valeur. Pour que l’UE soit en mesure de faire apparaître explicitement les prochaines étapes vers une durabilité multidimensionnelle (environnementale, sociale et économique) pour tous les acteurs, elle doit :

– fournir une définition exhaustive des systèmes alimen- taires durables,

– introduire la circularité en tant que principe fondamental, – veiller à ce que les solutions durables deviennent les plus rentables et les plus abordables,
– et mettre en place une structure de gouvernance intégrant le caractère multidimensionnel de la durabilité et de la sécurité alimentaire.